Petits poèmes illustrés
Un petit tour dans le monde des cyclos avec quelques poèmes inspirés par les fables de La Fontaine.

Le cyclo et le touriste

Un cyclo ayant flâné
Plusieurs mois
Se trouva fort dépité
Quant arriva le B.R.A
Pas un col, pas une sortie
Ni le moindre petit rallye.
Il alla aussitôt chercher
Chez un cycliste de ses amis
Un bon vélo pour s'entraîner.
C'était un excellent rouleur,
Cyclosportif de bon niveau.
Qu'as-tu fait de ton vélo ?
Dit-il à cet emprunteur.
Dimanche dernier me promenant
J'ai crevé vers les Semaises.
Tu as crevé ? J'en suis fort aise :
Eh bien ! Répare maintenant !

(D'après "La cigale et la fourmi")

Le costaud et le roublard

Un grand costaud, sur sa selle perché
Tirait le peloton sans partage.
Un vieux briscard, par la scène agacé,
Lui tint à peu près ce langage :
" Hé bonjour, Monsieur le cyclo,
Que vous êtes fringant, que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre vélo
Se rapporte à votre niveau
Vous êtes le caïd de la section cyclo."
A ces mots le costaud se sent pousser des ailes ;
Et pour lâcher ce rigolo
Il met le grand braquet et va couler une bielle.
Le roublard le rejoint, et dit : " Mon bon rouleur,
Apprenez qu'un vrai coureur
Gagne aux dépends de celui qui le tire :
Cette leçon sans doute vaut bien un vire-vire. "
Le costaud, suant et fourbu
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

(D'après "Le corbeau et le renard")

La montagne sans cols

Une montagne en mal de col
Avait une si belle pente
Que tous les chasseurs de cols
Venaient de loin gravir ses sentes
Pensant franchir de nombreux pas.
Par malheur elle n'en avait pas.
Quand je pense à ce beau mont,
Dont l'aspect est si trompeur
En tirant sur mon guidon,
Tout ruisselant de sueur,
Je me dis qu'une galère
Qui quelquefois m'exaspère
Ne rapporte bien souvent
Que du plaisir et du vent.

(D'après "La montagne qui accouche")

Le cyclo qui voulait grimper
aussi haut que le boss

Un cyclo vit un col
Qui lui sembla d'accès facile.
Lui qui jamais encore n'avait pris son envol
Vers les sommets s'arrache, se cambre et se tortille
Pour épater son collègue grimpeur,
Disant : " Je suis bien le meilleur,
Suis-je bientôt au col ?Regarde comme je suis fort.
Non, tu n'y es point. A ces mots le cyclo s'arc-bouta.
Tu en es encore loin. " Le pauvre en plein effort
Força tellement qu'il explosa.
Il y a tant de cyclos qui ne sont pas plus sages :
Tout cycliste essaie de monter comme un avion ;
Tout minus veut rouler comme les grands champions
Pour être roi du pédalage.

(D'après "La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf")


Ma bécane

Je m'en allais, les mains sur le guidon crispées :
Mon vtt aussi devenait idéal ;
J'avançais grimaçant sous un ciel automnal ;
Oh ! là ! là ! que de routes splendides j'ai rêvées !

Je montais en danseuse pour aller jusqu'au bout.
Petit braquet poussif, j'égrenais dans ma course
Des cols. Mon prochain était le Pas de l'Ours.
Les tours de manivelle faisaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, pédalant sur les routes,
Ces beaux jours de septembre où je sentais des gouttes
Qui perlaient à mon front, me baignant de sueur ;

Où filant vers les sommets de cols idylliques,
Comme un coursier, je roulais les mécaniques
Sur mon preux vtt, sentant battre mon cœur !

De l'autre côté du col

Allant de col en col en quête de plaisirs
Nemrod sans treillis, fusil ou gibecière,
Je glane des impressions et des souvenirs,
Emplissant de notes ma muse imaginaire.
Engrangeant ça et là, moissonnant à l'envi,
Juché sur ma monture ou marchant auprès d'elle,
Une vraie communion dans l'effort s'accomplit,
Proche de l'overdose de guidon et de selle.
Animé tour à tour par l'espoir ou le doute,
Guettant à l'horizon le V de la victoire,
Quand le sentier prolonge le chemin et la route,
Voici venu l'instant de prendre mon panard
Lorsqu'au sommet du col, l'espace d'une seconde,
Le cœur battant très fort, je me penche déjà,
Basculant du regard vers la vallée profonde
Par cette vaste ouverture sur l'au-delà.



Le cyclo

Un jour sur son vélo allait je ne sais où
Un cyclo déjanté, hagard comme un hibou.
Il poursuivait une chimère,
Ayant pris la tangente dès le lever du jour
Et semblant aussi cuit qu'à la sortie d'un four
Avec sa casquette de travers.
Le chemin qui montait lui donnait le tournis,
Fourbu par tant d'efforts il n'avait qu'à s'étendre,
Mais il cru mieux faire de prendre
La pente raide d'un raccourci,
Soufflant comme une loco lancée à toute vapeur.
Après quelques moments, la fatigue vint : le cyclo,
S'accrochant alors, d'un sursaut
Se hissa sur la crête, tout baignant de sueur.
La vue ne lui plut guère, il s'attendait à mieux
Et montrait un air dédaigneux,
Tel un premier de la classe.
" Pas terrible ! " se dit-il ; " moi, cyclo, que je fasse
Ce seul petit col ? mais pour qui me prend-on ?
" Le collet délaissé, il tourna le guidon,
Et d'un geste rageur reprit son ascension.
" Il me faut cette brèche ! " Il se sentait balèze
Bien que sans ravito : tout alla de façon
Qu'il n'eut soudain plus de boisson.
La fringale l'ayant prit, il fut bientôt fort aise
De redescendre sur le goudron.
Ne soyons pas si difficiles,
Les meilleurs rouleurs sont eux aussi fragiles,
On hasarde de couiner, voulant trop haut grimper
Sans s'être bien ravitaillé.

(D'après "Le héron")

Montagnes

Sur de grandes routes ou d'infimes sentiers
Gravissant sans relâche ces cols tant aimés,
Le nez parfois au vent, parfois dans le guidon,
N'as-tu pas contemplé au gré des ascensions,
Cyrano pédaleur vaillant et minuscule,
Tous ces pics, tous ces rocs, tous ces gros monticules,
La Montagne en un mot qui dans tous ses états
Te passionne, te fascine et te remplit de joie.
Ventoux, Grand Colombier ou Mont du Chat perché,
Canigou qui ronronne et la Meige enneigée,
Mont-Blanc, Mont-Noir, Mont-Rose et de toutes couleurs
Jalonnent le chemin sacré du randonneur
Semblant toucher parfois à la voûte céleste.
Jusqu'au plus petit mont d'altitude modeste,
Ils réjouissent l'œil par ces menus plaisirs
Et viennent alimenter la boîte à souvenirs.
Rêveries cyclistes, ascensions obsédantes,
Images de cols légères ou délirantes,
Parmi les vieux volcans se regardent hilares
Roche Tuilière et Roche Sanadoire.
Là-bas, l'éternelle égérie de Cézanne,
Resplendit Sainte-Victoire la Montagne.
Dominant le vieux Coq, isolée se dégage
Par-dessus Crolles, la Dent couronnée de nuages
Aux basques de l'océan et sa blancheur d'écume
Brûlent à l'horizon les rochers de la Rhune.
Comme des banderilles au cœur de Corsica
Percent l'azur les aiguilles de Bavella.
Héraldique vestige de temps oubliés
Reste intemporelle la Roche de Solutré.
Loin des forêts vosgiennes et de leurs Ballons,
Une gerbe jaillit du Mont Gerbier de Jonc.
Cyclo de 2001, odyssée de l'espace,
Le temps s'est arrêté dans la Déserte Casse
Tandis que tu domines la cime de la Bonette
  Puis te perds dans l'abîme, gracile silhouette.
A l'infini résonnent les cloches d'un troupeau
Salut de la Montagne au Cent Cols à vélo.



Un amour de bicyclette

Pour avoir si souvent roulé avec ma bicyclette
Je m'en suis fait presque une amie, une douce compagne,
Témoin de mes souffrances, silencieuse et discrète,
Elle m'a fait découvrir les plaines et les montagnes.

Même si je dois, moi aussi, la porter jusqu'au col
Elle ne me demandera pas de décrocher la lune,
Les liens qui nous unissent sans contrainte ni licol
Sont changeants et éoliens comme le sable des dunes.

Jamais elle ne se plaint, ni même me réconforte,
Aucun signe d'agacement, rien que de l'harmonie,
Qu'importent les sentiments, l'amour que je lui porte,
Elle s'en fout royalement et c'est très bien ainsi.

A force de la considérer comme une reine,
Je n'ose penser qu'un jour elle me laissera tomber
Car tel le gladiateur vaincu ayant quitté l'arène
J'errerais solitaire après cette mise à pied.

Me reviendront alors les balades du temps jadis
Sur ces routes et sentiers escarpés ou aériens
Et l'ineffable parfum de liberté et de délices
Qui flottait autour de nous dans ces journées sans fin.

La fille des collines

Un beau jour d'été aux confins des collines
  Cyclant en vtt autour du Garlaban
Je crus entendre des clameurs ugolines
Criant " Manon, Manon, reviens, je t'aime tant ! "

Hagard, je cherchais la gardienne de chèvres
Tentant de discerner la rumeur de ses pas
L'esprit chamboulé, le cœur au bord des lèvres
 Seul dans la garrigue, le temps n'existait pas.

Allais-je découvrir les œillets de Florette
Croiser dans un détour le fantôme du Papet ?
Manon surgira-t-elle aérienne et fluette,
Venant révéler de sa source les secrets ?

Atteignant la grotte par un sentier ardu
Je ne trouvais là-haut que silence et oubli.
En cet instant cruel le charme était rompu,
J'en restais tout à coup malheureux et contrit.

A défaut d'avoir vu la belle demoiselle,
  Je repris le chemin en direction du col,
Espérant débusquer la noble bartavelle
Comme le fit jadis l'ancien maître d'école.

   

Le col

Ainsi, toujours montant vers de nouveaux virages,
Dans une quête éternelle emportés sans détour,
Le vélo devrons-nous par manque de courage
Abandonner un jour ?

O col ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et me hante déjà l'idée de te revoir,
Je cherche sur ma carte, chasseur solitaire,
Comme un signe d'espoir.

Souvent, t'en souvient-il ? nous roulions en silence ;
On entendait seulement les roues sur leurs moyeux,
Et le bruit des pédales qui tournaient en cadence,
Mouvements harmonieux.

Tout à coup au milieu des couleurs printanières
Le col tant recherché apparaissait là-haut ;
Et nous avions alors la silhouette altière
Des valeureux cyclos.

O temps, suspends ton cours et vous heures propices,
Suspendez votre envol !
Laissez-nous savourer les délicieux supplices
Des plus beaux de vos cols !

Assez de malheureux ici-bas les ignorent :
Roulez, roulez pour eux ;
Gagnez avec passion les sommets du décor,
Cyclos aventureux !

Grimpons donc, grimpons donc ! sur notre cher vélo
Hâtons-nous, pédalons !
Les roues de nos destins nous emmènent plus haut
Elles tournent, et nous passons !

O cols ! jolis lacets ! sentiers ! pentes si dures !
Vous dont l'escalade paraît n'en plus finir,
Gardez de cette sueur, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Que le vent qui gémit, la route qui s'étire,
Que les parfums légers de tes chemins boisés,
Que tous ces tracollets étroits où l'on transpire
Tout dise ! " Ils ont roulé ! "

De col en col

Celui qui va de col en col
On peut dire qu'il a du bol
Il grimpe avec légèreté
Pour le plaisir de pédaler
On dirait presque qu'il vole
Bien sûr c'est un chasseur de cols

 

 

 

Ivresse des sommets

Nous montions sans arrêt vers de riants alpages,
Les tous premiers lacets c'était de la gnognote,
Nous étions si petits dans ces verts pâturages,
Au loin on entendait les sifflets des marmottes.
Le sommet apparut sur le ciel bleu azur,
Debout sur les pédales il fallait avancer,
La pente était plus raide et l'air était plus pur
Il n'était pas question pour nous de renoncer,
Nous devions coûte que coûte atteindre le sommet.
La montée nous semblait de plus en plus rude
  Le souffle devenait court et le cœur s'affolait
Conséquences des effets de l'altitude.
Nous avions désormais d'étranges sensations
Comme dans les abysses le plongeur en apnée
Ressentant l'ivresse au cours de l'ascension
Nous montions en danseuse, hagards et épuisés.
Le sommet paraissait de plus en plus lointain,
Les muscles tétanisés et le regard perdu,
Ayant beaucoup de mal à suivre le chemin
Nous étions désormais dans un monde inconnu.


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